HOMELIE
Après la Samaritaine dimanche dernier, nous découvrons aujourd’hui cet aveugle de naissance. Et ce qui m’interpelle, c’est que nous retrouvons une même progression dans les histoires de ces deux personnages.
On les voit peu à peu devenir pleinement eux-mêmes, comme une véritable naissance à leur pleine humanité. L’homme, au début de l’évangile, n’est qu’un mendiant que voit Jésus. Un mendiant qui ne s’exprime pas et qui ne demande même pas sa guérison. Il est comme prostré dans son handicap, dans sa condition fragile et pauvre. Mais peu à peu on le voit prendre la parole.
Dans un premier temps il rapporte juste les faits, ce que Jésus a fait pour lui, mais plus le récit avance et plus on le voit prendre de l’assurance jusqu’à témoigner avec audace de Celui qui l’a guéri en disant : « C’est un prophète » et même jusqu’à parler d’égal à égal avec les autorités religieuses : « Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Comme la Samaritaine, cet aveugle s’est laissé transformer par le Christ. L’homme est devenu disciple et témoin de Jésus, disciple et missionnaire. Lui qui ne voyait pas est celui-là qui éclaire maintenant ceux qui ne reconnaissent pas encore le Christ. « Maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière » écrit saint Paul. Incroyable ! Comment cela a-t-il pu être rendu possible ?
En regardant cet aveugle de naissance se laisser faire par Jésus, je pensais à la parole de Marie adressées aux serviteurs des noces de Cana : « Tout ce qu’il vous dira faites-le ». Et nous pourrions même ajouter : « Et alors vous verrez clair. »
N’est-ce pas ce dont nous témoigne cet aveugle de naissance ? A plusieurs reprises il redit ce que Jésus a fait : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et je vois. » Cet homme a fait confiance à la parole de Jésus. Il n’a pas posé de question, il n’a pas hésité à faire ce que Jésus lui a demandé de faire : aller se laver à la piscine de Siloé. Il est entré dans une confiante obéissance à la parole de Jésus.
Évidemment en ce 19 mars nous pensons aussi à St Joseph qui, lui aussi, après une nuit à ne plus voir bien clair sur ce qu’il convenait de faire, prend chez lui Marie comme l’y invite l’ange Gabriel venu le visiter, au nom du Seigneur, durant la nuit. Et c’est ainsi que la lumière est venue chasser les ténèbres du cœur de saint Joseph, comme la lumière est venue chasser l’obscurité dans laquelle était plongé l’aveugle depuis sa naissance. C’est sa foi en Dieu et en sa capacité à faire toute chose nouvelle qui a ouvert les yeux de l’aveugle de naissance. C’est sa disponibilité à accueillir la parole du Seigneur qui lui donne déjà de voir clair.
« Or, les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme avait été aveugle et que maintenant il pouvait voir. » Malgré toutes les explications que donne l’aveugle guéri sur la manière avec laquelle Jésus a procédé, sur la personne même de Jésus qui a fait cela, les voisins, les pharisiens, la famille ne comprennent toujours pas. Ainsi, ceux qui voient ne voient pas, ceux qui voient ne comprennent pas. Paradoxalement, ceux qui voient sont finalement aveugles, incapables de comprendre, de saisir ce qui leur est dit à partir de ce geste de guérison de Jésus. « Ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas. » (Jr 5, 21)
Un peu comme les disciples d’Emmaüs dont saint Luc écrit que « leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître parce que leur cœur étaient fermés » (Lc 24, 16) ou encore comme Thomas à qui Jésus dira : « Cesse d’être incrédule soit croyant. » (Jn 20, 27)
Nous comprenons mieux la dernière parole de l’Evangile lorsque Jésus dit : « Je suis venu en ce monde pour que ceux qui ne voient pas puissent voir et que ceux qui voient deviennent aveugles ». Car au fond, les pharisiens sont aveuglés par leur propre certitude, leur présupposé, leur propre logique. Ils n’écoutent que leur propre vérité qui les empêche d’accéder à la Vérité qui se reçoit de Dieu.
C’est bien ce que nous percevons aussi dans le choix de David par Samuel. Si Samuel en était resté à sa propre logique, David n’aurait pas été choisi. C’est encore une fois parce que Samuel accueille la parole même de Dieu, qu’il sort de sa propre logique pour entrer dans la logique de Dieu et qu’ainsi l’œuvre de Dieu, le projet de Dieu peut réellement s’accomplir.
« Comment se fait-il que cet homme voie maintenant ? » Tout simplement parce qu’il a écouté ! C’est cette confiance en la Parole de Jésus qui a donné à l’aveugle de naissance de retrouver la vue et de témoigner du Christ Lumière pour tous les hommes. Ainsi, la Parole de Dieu nous permet de voir clair, de mieux voir, de mieux saisir où nous devons aller.
La Parole de Dieu clarifie le regard !
Qu’en ce temps de carême nous sachions nous aussi nous laisser éclairer par elle pour mieux en témoigner autour de nous. Amen
Père Mickaël
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