Diacre du diocèse de La Rochelle)
Le message des Lectures que nous avons écoutées pourrait se résumer en un mot : gratuité. Un terme qui vous est certainement cher, à vous diacres, réunis ici pour la célébration du Jubilé. Réfléchissons donc à cette dimension fondamentale de la vie chrétienne et de votre ministère, en particulier sous trois aspects : le pardon, le service désintéressé et la communion.
Le pardon
Premièrement : le pardon. La proclamation du pardon est une tâche essentielle du diacre. En effet, c’est un élément indispensable pour tout cheminement ecclésial et une condition pour toute coexistence humaine. Jésus nous en montre la nécessité et la portée lorsqu’il dit : « Aimez vos ennemis » (Lc 6, 27). Et c’est exactement ainsi : pour grandir ensemble, en partageant les lumières et les ombres, les succès et les échecs des uns et des autres, il est nécessaire de savoir pardonner et demander pardon, en rétablissant les relations et en n’excluant pas de notre amour même ceux qui nous frappent et nous trahissent. Un monde où il n’y a que de la haine pour les adversaires est un monde sans espérance, sans avenir, destiné à être déchiré par des guerres, des divisions et des vengeances sans fin, comme nous le voyons malheureusement encore aujourd’hui, à tant de niveaux et dans diverses parties du monde. Pardonner signifie donc préparer une maison accueillante et sûre pour l’avenir en nous et dans nos communautés. Et le diacre, personnellement investi d’un ministère qui le conduit aux périphéries du monde, s’engage à voir – et à enseigner aux autres à voir – en tous, même en ceux qui se trompent et font souffrir, une sœur et un frère blessés dans l’âme, et donc ayant plus besoin que quiconque de réconciliation, d’accompagnement et d’aide.
La première Lecture nous parle de cette ouverture du cœur, en nous présentant l’amour loyal et généreux de David pour Saül, son roi, mais aussi son persécuteur (cf. 1 S 26, 2.7-9.12-13.22-23). Dans un autre contexte, la mort exemplaire du diacre Étienne, qui tombe sous les coups de pierres et pardonne à ses lapidateurs, nous en parle aussi (cf. Ac 7, 60). Mais nous la voyons surtout en Jésus, modèle de toute diaconie, qui sur la croix, “se vidant” de lui-même jusqu’à donner sa vie pour nous (cf. Ph 2, 7), prie pour ceux qui le crucifient et ouvre au bon larron les portes du paradis (cf. Lc 23, 34.43).
Le service désintéressé
Et nous arrivons au deuxième point : le service désintéressé. Le Seigneur, dans l’Évangile, le décrit dans une phrase aussi simple que claire : « faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour » (Lc 6, 35). Quelques mots qui portent en eux le bon parfum de l’amitié. Tout d’abord celle de Dieu pour nous, mais aussi la nôtre. Pour le diacre, cette attitude n’est pas un aspect accessoire de son agir, mais une dimension substantielle de son être. Il se consacre en effet à être, dans son ministère, “sculpteur” et “peintre” du visage miséricordieux du Père, témoin du mystère de Dieu-Trinité.
Dans de nombreux passages de l’Évangile, Jésus parle de lui sous cet angle. Il le fait avec Philippe, au Cénacle, peu après avoir lavé les pieds des Douze, en disant : « Celui qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14, 9). De même, lorsqu’il institue l’Eucharistie, il affirme : « je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22, 27). Mais déjà auparavant, sur la route de Jérusalem, alors que ses disciples discutaient entre eux pour savoir qui était le plus grand, il leur avait expliqué que « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10, 45).
Frères diacres, le travail gratuit que vous accomplissez, expression de votre consécration à la charité du Christ, est pour vous la première annonce de la Parole, source de confiance et de joie pour ceux qui vous rencontrent. Accompagnez-le le plus possible avec le sourire, sans vous plaindre ni chercher la reconnaissance, en vous soutenant mutuellement, même dans vos relations avec les évêques et les prêtres, « comme expression d’une Église engagée à grandir dans le service du Royaume avec la valorisation de tous les degrés du ministère ordonné » (C.E.I., I Diaconi permanenti nella Chiesa in Italia. Orientamenti e norme, 1993, p. 55). Votre action concertée et généreuse sera ainsi un pont qui reliera l’Autel à la rue, l’Eucharistie à la vie quotidienne des gens. La charité sera votre plus belle liturgie et la liturgie votre plus humble service.
La gratuité comme source de communion
Et nous arrivons au dernier point : la gratuité comme source de communion. Donner sans rien demander en retour unit, crée des liens, parce que cela exprime et nourrit une communauté qui n’a d’autre fin que le don de soi et le bien des personnes. Saint Laurent, votre patron, à qui ses accusateurs demandaient de leur remettre les trésors de l’Église, leur montra les pauvres et leur dit : « Voilà nos trésors ! » C’est ainsi que l’on construit la communion : en disant à son frère et à sa sœur, avec des paroles, mais surtout avec des actes, personnellement et en tant que communauté : “tu es important pour nous”, “nous t’aimons”, “nous voulons que tu fasses partie de notre cheminement et de notre vie”. C’est ce que vous faites : des maris, des pères et des grands-parents prêts, dans le service, à agrandir vos familles pour ceux qui sont dans le besoin, là où vous vivez.
Ainsi, votre mission qui vous prend de la société pour vous y réinsérer et en faire un lieu toujours plus accueillant et ouvert à tous est une des plus belles expressions d’une Église synodale et “en sortie”.
Bientôt, certains d’entre vous, en recevant le sacrement de l’Ordre, “descendront” les marches du ministère. C’est à dessein que je dis et souligne qu’“ils descendront”, et non qu’“ils monteront”, parce qu’avec l’Ordination, on ne monte pas, mais on descend, on se fait petit, on s’abaisse, on se dépouille. Pour reprendre les mots de saint Paul, on abandonne, dans le service, “l’homme de la terre”, et on revêt, dans la charité, “l’homme du ciel” (cf. 1 Co 15, 45-49).
Nous méditons tous sur ce que nous allons faire, tout en nous confiant à la Vierge Marie, servante du Seigneur, et à saint Laurent, votre patron. Qu’ils nous aident à vivre notre ministère avec un cœur humble et plein d’amour, et à être, dans la gratuité, des apôtres de pardon, des serviteurs désintéressés de nos frères et des constructeurs de communion.