Fin de vie : prendre la mesure du projet de loi

Ce mercredi 24 avril 2024, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, responsable du groupe de travail « Bioéthique » et Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours, vice-président de la CEF, en charge des questions sur la fin de vie, ont été auditionnés par la commission spéciale sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie.

Les évêques de France se disent « sensibles au souci de vouloir promouvoir un modèle français de la fin de vie », où le soin et l’accompagnement sont placés au centre, car il ne semble pas que le projet de loi présenté aille dans ce sens. Sans avoir suffisamment de données sur les besoins réels, ce projet conduirait vers un modèle qui supprimerait une digue essentielle, un principe structurant de notre société et de toute civilisation respectueuse de l’homme: celui de l’interdit de tuer qui fonde le serment d’Hippocrate. ( Il faut savoir que le serment antique a été édulcoré en France à la fin du XX siècle, pour permettre la pratique de l’IVG). La loi sur la fin de vie place les personnes fragiles et âgées  sur une pente dangereuse, celle du suicide assisté promu selon des critères médicaux vagues et d’une vision mettant en doute la dignité et la raison de vivre des personnes âgées, malades et dépendantes.  Cela renforce les inquiétudes de l’Église de France quant aux effets sociaux d’un tel projet car il est avéré que dans les pays où l’euthanasie a été acceptée, Belgique, Suisse, Autriche, Hollande, Luxembourg, état de l’Oregon aux Etats-Unis  et Canada, tous les garde-fous ont été successivement éliminés pour conduire à  l’augmentation rapide des suicides assistés, et  même  à l’euthanasie des mineurs. Comme le souligne Mgr Vincent Jordy, « la dignité d’une société humaine consiste à accompagner la vie jusqu’à la mort et non à faciliter la mort ». De plus, la loi prévoit des kits pharmaceutiques de produits létaux pour permettre la mort à domicile.

Les évêques observent que ce texte de loi ne dit pas clairement qu’il conduit à l’euthanasie et au suicide assisté, au nom d’une soi-disant fraternité et  que les critères d’une interruption de vie ont été désignés de façon tellement floue qu’elles permettent toutes les interpretations possibles. Pour Mgr Pierre d’Ornellas : « il convient donc de bien nommer les choses, de les assumer pour s’assurer d’un débat éclairé. La réalité du contenu du texte et son objectif doivent être clairs ». Ils sont également surpris de l’usage qui est proposé de la notion de fraternité, aujourd’hui principe constitutionnel, qui assure la solidarité dans les droits économiques et sociaux, et qui devrait, avant toute chose, permettre une vraie égalité d’accès aux soins palliatifs, comme le prévoient les quatre lois depuis 1999. À ce titre, la priorité devrait être à la bonne application des lois existantes, les lois “Léonetti” un (2005) et deux (2016).

Les évêques estiment qu’il est essentiel de prendre conscience des liens étroits entre la société et l’individu pour construire un avenir durable et équilibré. Comme dans le concept de l’écologie intégrale, « tout est lié ». L’être humain est un être de relation. La liberté individuelle ne saurait se confondre avec l’individualisme, car la vie humaine trouve son sens dans la relation aux autres et ne peut être envisagée sans une interdépendance nécessairement solidaire. La manière d’envisager la mort est également l’objet d’un contrat social et la société ne se résume pas à une somme d’individus. Nul n’est l’exclusif propriétaire de sa vie, ses décisions comptent également pour les autres. La fraternité existe donc pour tisser des liens de vie et non pour arrêter la vie.

Communiqué de presse des évêques du 24 avril 2024