Les pèlerins d’Emmaüs nous attendent.

Deux amis marchent tristement sur la route d’Emmaüs. Découragés, désabusés,  ils rentrent chez eux. Ils étaient venus à Jérusalem, enthousiasmés par la réputation d’un certain Jésus à la parole de feu et à l’action efficace. Avec lui, dans cette Palestine occupée par les Romains, de nouvelles perspectives s’ouvraient pour la nation juive : des aveugles se remettaient à voir, des handicapés étaient guéris, les déprimés retrouvaient force et goût de vivre,  des parias sociaux, comme les lépreux, revenaient, sains de corps et d’esprit, dans la communauté. Toutes ces personnes retrouvaient leur dignité car il leur avait dit : « Lève toi, prends ton fardeau sur ton dos et marche… Reprends ta place dans la société qui ne voulait plus de toi… Va, je ne te condamne pas, mais ne pèche plus…..Il aurait même ressuscité son ami Lazare et une toute jeune fille…».

Oui mais voilà, cela dérangeait, moins les occupants romains que les autorités religieuses du Temple, jalouses de leur pouvoir et furieuses d’avoir été critiquées . Alors elles l’ont livré au procurateur païen, Ponce Pilate, sous un faux prétexte, pour s’en débarrasser.

L’infâme crucifixion de Jésus, hué par la foule, avait mit fin à  ses folles promesses de la venue imminente d’un « Royaume de Dieu ».  Il était mort, et les illusions avec lui …

Or, voilà qu’un passant rejoint les deux voyageurs et la discussion s’engage…. Cet étranger sympathique débarque de la lune:  toute la Judée parle de la fin de celui qui se prenait pour le Christ, et lui, il n’est au courant de rien !

Alors les pèlerins lui expliquent  les événements et cet inconnu, c’est intéressant, en profite pour établir un parallèle entre ce soi-disant prophète et  les Écritures. Il cite les psaumes et les prophètes qu’il avait l’air de bien connaître. Incroyable, tous ces passages qu’ils connaissaient bien, pourtant, revivent , prennent sens et deviennent d’actualité ! Le crucifié  d’il y a quelques jours serait-il  vraiment, malgré sa mort, le « Messie », le « Sauveur » tant attendu ? Les  deux voyageurs, bouleversés, diront plus tard « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant quand il nous parlait des Écritures ? ».

Rencontrer un tel érudit n’arrive pas tous les jours, pourquoi ne pas continuer à discuter en l’invitant  à manger dans  l’auberge ?

Et voilà qu’au cours du repas, après la bénédiction d’usage, l’inconnu prend du pain, le partage et le leur donne , de même pour la coupe de vin. Tout à fait, à ce qu’on disait,  comme ce Jésus, lors de son dernier repas avec amis, la veille de sa mort, en disant « Prenez, mangez, ceci est mon corps livré pour vous. C’est mon sang versé pour vous et pour la multitude. Cela, refaites le en mémoire de moi ».

Lorsqu’on comprend, il se passe quelque chose d’inexplicable, c’est ce qui se produisit: toute l’affaire devint claire. Les pèlerins d’Emmaüs auraient pu crier “Euréka”. Oui, c’était un innocent, c’était le Messie qu’on venait de tuer. Ils levèrent les yeux et le visage  de leur nouveau compagnon se dévoila devant eux,  ils le reconnurent. Le visage défiguré, sanglant, grimaçant sur la croix : était devant eux:  apaisé, attentif, chaleureux: impossible mais vrai !    Ainsi la résurrection était possible ?

Alors ils voulurent le serrer contre eux, lui demander, c’est bien toi ! Dis le nous ! Mais déjà il n’était plus là, ce n’était pas croyable, on était ailleurs que sur terre. Il fallait atterrir

Cléophas et son compagnon se regardèrent et se comprirent: oui, ce qui venait de se passer n’était pas banal, ils avaient eu la grâce d’une apparition. Qu’on les prenne pour des fous leur était bien égal.  Rien ne comptait plus maintenant que faire demi-tour vers Jérusalem pour annoncer  à tout le monde, à commencer par la mère  du supplicié, cette extraordinaire,  Jésus était ressuscité et se trouvait probablement en Judée. Mais où ?

En chemin ils se répétaient  les paroles du Christ: « Faites ceci en mémoire de moi. »

Depuis ces deux pèlerins d’Emmaüs, des millions de chrétiens de par le monde relisent les Écritures et partagent le pain eucharistique donné par le prêtre disant « Ceci et mon corps pour vous. Faites cela en mémoire de moi ».
L’Eglise parle de « sacrement » : un signe qui rend présente une réalité non immédiatement visible. Ils se rappellent que les disciples, et bien d’autres, n’ont pas reconnu Jésus d’emblée, comme Marie Madeleine qui l’a d’abord pris pour le jardinier.

La résurrection n’est en effet pas seulement le prolongement de la vie d’avant. C’est une transformation radicale, c’est un changement de côté, un « passage » du côté de la vie de Dieu. Une vie qui n’est plus tributaire des limites humaines.

L’Évangile nous l’indique en racontant que Jésus rejoint les disciples au Cénacle alors qu’ils sont enfermés ou encore qu’il disparaît . Il passe à travers les murs, son corps est donc différent du nôtre, l’Eglise le nomme “corps glorieux.”

En même temps, c’est bien lui, c’est bien Jésus, ressuscité, vivant autrement mais pourtant le même. Il montre ses plaies à Thomas pour montrer que c’est bien le crucifié qui est ressuscité, il appelle Marie par son prénom pour qu’elle le reconnaisse comme l’ami très cher d’autrefois, il prépare du pain et des poissons sur la plage comme autrefois à la multiplication des pains.

L’ histoire des deux voyageurs d’Emmaüs est merveilleuse, mais, surtout, elle est vraie. Elle se renouvelle chaque jour, pour tout hommes et toute femme de bonne volonté,  le Christ n’abandonne personne sur le chemin caillouteux de la vie…mais nous ne le voyons pas encore.