Catéchuménat des adultes à Rochefort et Tonnay-Charente – Janvier 2024
J’ai depuis six mois la chance de coordonner l’équipe du catéchuménat des adultes sur Rochefort et Tonnay-Charente, avec le Père Salin et une équipe de quinze paroissiens qui accompagnent 28 catéchumènes, et je voulais à la demande du Père Bigot, vous partager cette expérience décapante.
Si nous savons que le nombre d’adultes baptisés en France augmente chaque année – 4 278 en 2022, 5 463 en 2023 – nous savons aussi que seulement 6.6 % des français se reconnaissaient catholiques pratiquants en 2021 et que moins de 50% reconnaissent « croire en Dieu », pourcentages en chute libre depuis des décennies, tout comme le nombre d’enfants catéchisés. Comment comprendre cet antagonisme entre une France qui se déchristianise peu à peu et une telle augmentation des demandes de baptême d’adultes, de plus dans un contexte où l’institution Église est marquée par des scandales difficiles à expliquer ?
A l’échelle des deux paroisses, ce nombre d’adultes sur le parcours catéchuménal est très important, historiquement en tous cas. Le plus jeune, que j’ai rencontré pour la première fois cette semaine est âgé à peine de 17 ans, la moitié a moins de 25 ans, la plus âgée demande le baptême à 69 ans. Le Seigneur reste fidèle dans son désir de nous rejoindre, Il prend patience et ne renonce pas à nous appeler quels que soient, notre âge, nos parcours de vie et nos errances.
Une des caractéristiques de la majorité d’entre eux m’interpelle : ils ont pris le temps de mûrir leur décision. Cela fait longtemps qu’ils y pensent, qu’ils portent enfouies ces questions, cet appel qu’ils ne savent pas toujours bien nommer encore, mais qui les poussent à emprunter cette longue marche jusqu’au sacrement. Parfois cela s’enracine dans l’enfance, lorsque leur grand-mère les emmenait à la messe pendant les vacances, lorsqu’ils faisaient ensemble la crèche pour Noël. Pour d’autres, ce fut le passage même bref dans une école catholique où ils ont entendu parler de Dieu mais n’avaient pas la permission des parents pour aller au caté ou se faire baptiser. Alors, à l’âge adulte ils voient resurgir ce désir profond, à tel point qu’ils osent un jour sonner à la porte d’un presbytère, envoyer un mail à la paroisse comme on envoie une bouteille à la mer. D’autres encore ont pu faire l’expérience d’un deuil familial, avoir perçu au-delà de l’absence, une présence réelle et sentir monter en eux la certitude qu’il y a plus grand que nous en nous, que la vie ne s’arrête pas là aux portes du cimetière. Certains ont eu des vies cabossées ou fait des expériences douloureuses et confessent reconnaître la Présence de Dieu dans ce qui fut le plus sombre de leur vie.
Parmi cette petite trentaine à cheminer, 12 jeunes de moins de 25 ans, mais aussi des adultes qui à la quarantaine – ou bien plus tard encore – leurs enfants grandissant, leur insertion professionnelle acquise, décident un jour de se donner le temps de s’occuper d’eux, de recentrer leur vie sur des valeurs d’ordre existentiel. Une catéchumène m’explique son sentiment d’urgence à écouter maintenant, ce désir qu’elle porte depuis des années.
Pour beaucoup cette recherche commence, étant seul(e), au fond d’une église, quel que soit son âge ; lors d’une halte récurrente, à la lueur d’une bougie, en silence ; pendant une présence à la messe du dimanche, parfois bien avant d’avoir entamé une quelconque demande. Et puis un jour, ils se jettent à l’eau, se décident à aller voir un prêtre, passer un coup de fil. Lors de notre première rencontre pour recevoir leur demande, beaucoup me disent leur crainte de « ne pas correspondre aux critères », leur peur de ne pas être accueillis car n’y connaissant rien, ils s’inquiètent de la légitimité et de la loyauté de leur demande … Mais tous ont une grande aspiration au cœur, suscitée par une vraie expérience spirituelle, même fugace, mais forte avec le Seigneur. Oui de cela je peux témoigner. Ils cherchent à découvrir ce Dieu qui a pu les soutenir dans les épreuves, qui donne du sens à leur vie aujourd’hui. On est bien loin des demandes de baptême pour se marier en blanc à l’église !
Est-ce un manque de repères sociétaux, est-ce un des phénomènes post-Covid, s’agit-il des générations qu’on a privées de Dieu sous prétexte de leur laisser la liberté, « Il choisira quand il sera grand » en oubliant de leur donner les moyens de connaître pour choisir ?
Dans tous les cas reconnaissons que l’Esprit souffle où il veut, quand il veut. Comment ne pas rendre grâce, quand je suis témoin de leur prière, humble, balbutiante mais profonde et sincère ; quand les larmes affleurent alors qu’ils découvrent que c’est aussi personnellement à eux que le Seigneur murmure : « Tu es mon fils bien aimé, en toi j’ai ma joie ». Comment ne pas être bouleversée lorsque l’un ou l’autre s’effondre en me disant : « Mais j’ai perdu tellement de temps à chercher à être aimé, si j’avais su alors. » Comment ne pas s’émerveiller de les entendre appeler des amis à venir avec eux célébrer l’Eucharistie, ou emmener les neveux s’inscrire au caté … déjà témoins et missionnaires à leur mesure.
Quelle grâce, ces catéchumènes sont-ils aussi pour notre communauté ! Combien nous aident -ils nous les « sachant prier » que nous sommes à leurs yeux, combien nous aident-ils à découvrir la clarté d’un matin de Pâques dans notre quotidien. Quelle chance avons-nous de les entendre nous dire comment notre petite communauté paroissiale, si fragile soit-elle, les porte dans la prière commune d’une messe de semaine, dans le sourire d’un dimanche matin, dans notre demande de faire la quête ou de lire une lecture … Une fraternité dans les choses simples dont nous avons, peut-être, oublié la saveur. C’est pour eux une entrée dans leur compréhension intime de la communion ecclésiale, mystagogie bien plus parlante que n’importe quelle définition ! Combien – et les accompagnateurs me le partagent aussi – est-il bon de redécouvrir, avec eux, la fraîcheur de la Parole de Jésus dans l’Évangile. Mais combien peuvent-ils souvent nous bousculer avec leurs questions qui cherchent à comprendre les mots, les prières, les gestes machinaux que nous enchaînons comme des automates, sans plus les habiter parfois !
Rendons grâce en effet, lorsque nous voyons la Parole vivante à l’œuvre aujourd’hui sur ce petit bout de Charente-Maritime, dans le cœur de ces 28 adultes qui nous demandent de témoigner de la foi de l’Église en Jésus Sauveur. Gardons au cœur cette Espérance qu’ils nous offrent et soyons heureux et fiers d’être leurs frères en Christ !
Dominique – Janvier 2024.
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